Comme chaque année, avec la petite équipe de la revue du Collège de France Entre-temps, on propose quelques idées de cadeaux pour la fin d’année. De mon côté, cela a été l’occasion d’écrire quelques lignes à propos de la bande dessinée documentaire: Alain Bujak & Laurent Bonneau, Le bruit de l’eau. Discussions dans la vallée de la Roya (Futuropolis, 2024, 122 p.). Je reproduis ces lignes ci-dessous. Comme la revue est en accès libre, je vous invite surtout à découvrir l’ensemble des propositions formulées par les autres membres du comité de rédaction de la revue.

Alain Bujak & Laurent Bonneau, Le bruit de l’eau. Discussions dans la vallée de la Roya (Futuropolis, 2024, 122 p.).

La bande dessinée documentaire Le bruit de l’eau d’Alain Bujak et Laurent Bonneau (2024) a pour sous-titre : discussions dans la vallée de la Roya. Résolument écocritique, cette publication porte sur les conséquences de la tempête Alex qui a dévasté cette combe des Alpes-Maritimes pendant la nuit du 2 au 3 octobre 2020. À travers ce cas, ce sont tout à la fois le dérèglement climatique et ses répercussions sur la vie des habitant·e·s du lieu qui sont abordés. Cela conduit les deux auteurs à effectuer de constants allers-retours entre des temporalités qui vont du très contemporain à la prise en compte d’enjeux géologiques anciens. L’enquête elle-même est mise en scène dans les dessins de Laurent Bonneau. Le style des illustrations change à plusieurs reprises ; plus précisément, il s’adapte à chacun des sujets abordés, variant entre le très réaliste et des aplats de couleurs quasiment abstraits. L’objectif poursuivi est de donner une forme visuelle au personnage principal de la BD, un non-humain : la rivière. Enfin, la manière dont les auteurs ont su intégrer plusieurs photographies d’Alain Bujak à leur récit est fascinante. Il s’est agi pour eux d’aménager des espaces pour une forme de surgissement du « réel photographique » dans le monde graphique. Pour l’ensemble de ces choix politiques et de création, cette bande dessinée nous semble toute destinée à se retrouver sous le sapin des lecteur·ice·s d’Entre-temps ! (lire la suite)

C’est avec plaisir que je partage les premières lignes d’un article intitulé “L’éducation au cinéma par l’entour des films: paratexte et machinerie” que j’ai écrit avec Martin Bonnard dans le cadre d’un numéro thématique de la revue québécoise en libre accès Nouvelles vues qui est consacré à l’éducation au cinéma (numéros 23-24, 2024). L‘ensemble du numéro peut être consulté en ligne.

L’éducation au cinéma par l’entour des films: paratexte et machinerie

Lorsque l’on considère la production documentaire québécoise, le constat est alarmant. Seule une infime partie du financement public – l’un des piliers, sinon l’unique moyen de produire des longs métrages au Québec – est consacrée au cinéma documentaire. En dehors de ces enjeux strictement économiques (problèmes de sous-financement et des difficultés rencontrées par la relève des cinéastes), nous pensons que l’importance de l’éducation au cinéma documentaire devrait être reconnue. Il s’agit de la considérer comme un prérequis, c’està-dire comme une nécessaire expertise spectatorielle1 préalable à l’appréhension de l’héritage cinématographique québécois. Cette expertise se construit certes par la rencontre avec les films, mais aussi par la découverte des différentes manières de fabriquer les images. Il s’agit alors de mettre en contact le public avec les différentes techniques de création audiovisuelle qui ont jalonné l’histoire du cinéma documentaire. Selon nous, un tel contact ne peut être établi qu’au moyen de médiations culturelles, lesquelles sont parfois orientées vers le milieu scolaire. Elles sont le plus souvent soutenues par des acteur·rices culturel·les déjà constitué·es autour de la diffusion et de la programmation du cinéma, comme les festivals, les musées et les cinémathèques, leurs initiatives en ligne et, dans le même ordre d’idées, les catalogues cinéphiles de vidéo par abonnement, qui jouent ainsi un rôle déterminant dans la formation des audiences. (lire la suite).

Dans le cadre du séjour de recherche que j’ai effectué à l’université de Louvain-La-Neuve, j’ai eu l’occasion de donner une master class portant sur les webdocumentaires historiques. À la demande des étudiant-es, je partage sur Cinémadoc le plan de l’intervention et les références bibliographiques mobilisées. Le titre de cette activité mise en place dans le cadre d’un cours de Sarah Sepulchre et Sébastien Févry a été pensé en dialogue avec trois édutiant-es nommé-es Simon Kesseler, Satinka Mercier et Adeline Tihon: Quels sont les progrès proposés par le format du webdocumentaire dans le cadre de la médiation en histoire, et quels risques comportent-ils vis-à-vis de la méthodologie historique?

Introduction

Au centre de la question se trouve une tension entre utopie et critique qui est centrale dans l’historiographie à propos des webdoc historiques.

“Le spectre des réactions face aux travaux portant sur les liens entre webdocumentaire et histoire est très large. Il va du très critique — c’est le point de jonction entre la novlangue des organismes subventionnaires et la mainmise du marketing institutionnel sur la médiation scientifique — au très enthousiaste — c’est le lieu pour repenser l’écriture de l’histoire en utilisant les acquis des humanités numériques et de la création médiatique la plus actuelle — au plus circonspect (…)”

Rémy Besson et Martin Bonnard, « Les enjeux historiographiques du webdocumentaire », Conserveries mémorielles [En ligne], 26, 2024.

Présentation du webdocumentaire comme un média en émergence (série culturelle).

Présentation du cas: Voyage au bout du charbon (2008) de Samuel Bollendorff à travers une navigation enregistrée en vidéo.

Référence bibliographique:
Rémy Besson. Prolégomènes pour une définition de l’intermédialité. Cinémadoc. 29 avril 2014.
Rémy Besson. Cinéma et attraction ou comment faire avec le bric-à-brac. Cinémadoc. 7 avril 2014.
Judith Pernin. Voyage au bout du charbon, Carnet de recherche de l’Atelier du Lhivic. Accessible via la Wayback Machine.

Partie 1: Analyse des discours

Présentation des enjeux: format, interactivité, participation. 

Format innovant (2008-2010) qui devient une série culturelle, mais jamais véritablement un média (perte d’usage dès 2018). Réappropriation comme “média résiduel” par les universitaires (et certaines institutions culturelles).

Référence bibliographique:

Rémy Besson, « Une (plate)forme entre les médias », dans Viva Paci et Martin Bonnard (dir.), Techniques et tactiques du webdocumentaire, Montréal, Cinémédias, 2023.

Ce contenu est aussi accessible via l’Encyclopédie raisonnée des techniques du cinéma créée par TECHNÈS.

Partie 2: Qu’est-ce que le format apporte à l’écriture de l’histoire de différent du format document?

Enjeux de la réflexivité, de l’engagement (parfois ludique) vis-à-vis de connaissances, co-coconstruction (parfois un effet trompeur).

Présentation des cas: A Short History of the Highrise et Man on Bridge.

Références bibliographiques:
Rémy Besson, « Archives visuelles et documentaires interactifs », Synoptique [en ligne], 4-2, 2015.
Rémy Besson, « Man on Bridge : une forme qui échappe aux catégories. », Entrelacs [En ligne], 12, 2016.

Partie 3: Engagement des chercheur-ses dans des projets de recherche création.

Présentation du Labdoc de l’UQAM.

Enjeux autour du caractère réflexif et du caractère ludique des webdocumentaires historiques.

Présentation de créations numériques auxquelles j’ai participé: De la ferme à l’assiette et de l’exposition virtuelle Ma caméra et moi.

Dans le cadre du séminaire RECOM du GIRCAM, j’ai le plaisir de proposer une communication intitulée: Pour une approche intermédiale des archives filmiques: une pensée par cas. Cette séance se tiendra à Louvain-La-Neuve le 11 décembre 2024 de 14h à 16h.

Résumé:

Le texte suivant a été communiqué aux membres du groupe de recherche:

• Rémy Besson, « Towards a Definition of the Montreal School of Intermediality », Handbook of Intermediality, Bruhn et al., Palgrave, 2023, p. 135-158.

La séance est ouverte au public. Elle peut aussi être suivie via Teams. N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez avoir plus d’informations.

Je partage sur Cinémadoc le programme du colloque du programme MAVEX intitulé: L’audiovisuel pour la culture ! Histoires et archives de la production audiovisuelle d’institutions culturelles organisé par Mica Gherghescu, Ève Givois, Thomas Bertail, Mai Lise Bénédic qui se tiendra le 4 décembre 2024 au Centre Pompidou.

J’ai le plaisir de donner une communication ayant pour thème: Les rushes de films documentaires: du statut de rebut à celui d’objet exposé. Le résumé de la communication est le suivant:

Cette communication propose une réflexion épistémologique portant sur les archives audiovisuelles basée sur leurs usages par les chercheurs en sciences humaines. Plus précisément, c’est un parcours entre différents rapports aux rushes de films documentaires qui est présenté. Ces rapports conduisent à qualifier différemment les rushes (ensemble des bobines de film et des bandes sons enregistrées pendant le tournage) qui seront, ainsi, tour à tour considérés comme des rebuts, des sources pour l’histoire, des objets matériels conservés en archives, des modes d’accès à ce qui ne se trouve pas dans le film, des supports pour l’histoire orale et, enfin, des objets montés dans d’autres films ou exposés au musée. Loin de concevoir ces rapports comme clairement distincts les uns des autres, il est plutôt question de souligner les articulations possibles entre ces perspectives qui peuvent très bien être adoptées par une même personne en fonction des étapes de sa recherche et de la valorisation de celle-ci dans l’espace public.

Dans le cadre du séminaire du groupe ARCANES (UdeM, U. Laval et U. Paris 8), j’ai le plaisir de prendre part à une séance intitulée “Arts trompeurs: théâtre, cinéma et intelligence artificielle” durant laquelle je vais intervenir sur le thème “Du cinéma de réemploi à l’intelligence artificielle : enjeux éthiques des usages des archives”. Cette séance se tiendra le 8 novembre 2024 de 10h à 12h à Montréal/ 16h à 18h en Europe. Pour participer à titre d’auteur-ice libre, vous pouvez écrire à: contact@arcanes.ca.

Du cinéma de réemploi à l’intelligence artificielle : enjeux éthiques des usages des archives

Cette communication repose sur la comparaison des gestes créatifs posés par Harun Farocki sur un corpus de photographies aériennes du complexe d’Auschwitz (1944-45) lors de la réalisation d’Images du monde et inscription de la guerre (1989) et ceux effectués par Sandra Rodriguez à partir des archives textuelles, sonores et audiovisuelles de Noam Chomsky au MIT lors de la conception de CHOM5KY vs CHOMSKY (2023). Une telle comparaison conduit à formuler l’hypothèse d’une actualité des gestes créatifs et des choix éthiques de Farocki à l’heure où l’IA générative est de plus en plus régulièrement utilisée dans les écritures documentaires numériques. En effet, si les solutions techniques sur lesquelles reposent ces deux créations documentaires basées sur des corpus d’archives sont très éloignées – bricolage analogique d’un côté et Microsoft QnA Maker, GPT-2 et GPT-3 de l’autre -, un certain nombre de questions éthiques sont communes. À travers ces études de cas, c’est tout l’intérêt d’une approche d’ordre génétique des processus créatifs – basée sur l’accès aux sources documentaires utilisées et aux procédés techniques mobilisés – qui sera démontrée.

Pour en savoir plus sur ARCANES, vous pouvez consulter le site du groupe. 

C’est avec plaisir que je partage sur Cinémadoc les premières lignes d’un entretien que j’ai mené pour Entre-temps (dont je suis membre du comité de rédaction) avec les réalisateur-ces Françoix-Xavier Destors et Marie Thomas-Penette du film documentaire Thiaroye 44. 

Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots sur quel événement historique porte votre documentaire ?

François-Xavier Destors & Marie Thomas-Penette : Notre documentaire évoque un crime de masse commis en 1944 par l’armée française contre des tirailleurs dits « sénégalais », sans sommation et à la mitrailleuse, « en tirant dans le tas ». Un massacre qui a été maquillé en mutinerie par l’armée et qui demeure, jusqu’à aujourd’hui, une plaie majeure de l’histoire coloniale française. On peut parler d’un mensonge d’État.

La suite peut lue directement sur le site de la revue qui est en accès libre.